A la faveur d’une table ronde diffusée sur Filaho Tv, des chercheurs impliqués dans la lutte contre les dégâts causés au manioc dans notre pays, ont passé en revue, les maux qui minent cette denrée et le drame qui se joue contre la population avec la propagation des maladies virales de cette spéculation manioc au Bénin. L’occasion est propice pour le Professeur Corneille Ahanhanzo, Généticien et Directeur pays de Wave et ses collègues Dr Marcellin Allagbé, Agro-socio économiste et Dr Martine Zandjanakou-Tachin, Phytopathologiste moléculaire des plantes à l’Université nationale d’Agriculture (Una), de dévoiler les actions de surveillance, d’alerte et de riposte entreprises par le programme Wave (West African Virus Epidemiology for Food Security) depuis 2015 pour préserver la culture. De leurs propos, «il faudra dans une intelligence collective agir pour parer au plus pressé». La veille doit être ainsi maintenue. La striure brune du manioc, plus sévère que la mosaïque du manioc est déjà aux portes du Bénin, pour ne pas dire «déjà dans certaines localités, notamment au nord». En cela, ils en ont appelé à la responsabilité de tous, en l’occurrence, «l’Etat qui fait, certes de gros efforts pour le monde rural, à soutenir Wave dans ses efforts de sauver le manioc au Bénin». Car, cette culture préférée de l’Afrique est aujourd’hui menacée.
Troisième plus grande source de glucides et culture de substance et de rente par excellence pour les producteurs en Afrique de l’Ouest, le manioc reste aujourd’hui incontournable pour l’alimentation humaine. Il est le composant de base de beaucoup de produits manufacturés. Sa commercialisation permet à des milliers de familles de se nourrir, de se soigner et de scolariser leurs enfants. Il est consommé par plus de 800 millions de personnes dans le monde dont 500millions d’Africains. Environ 15% de la population béninoise l’utilisent comme principale culture. C’est pourquoi, les maladies qui affectent le manioc menacent tout autant les consommateurs les économies qui l’ont adopté. Certaines desdites maladies sont présentes au Bénin et d’autres susceptibles de se propager et de ravager les champs si le système national reste inactif. Lors de la « table ronde », trois des principaux acteurs engagés dans la lutte contre les maladies virales du manioc, à savoir le Directeur pays du Programme Wave au Bénin, le Professeur Corneille Ahanhanzo-Glèlè et son assistante, Dr Martine Zandjanakou-Tachin et l’Agro-socio économiste, Dr Marcellin Allagbé, ont fait savoir les nombreux avantages, si cette filière se portait bien. Ils ont notamment passé en revue les maux qui minent cette «culture du pauvre», comme il est convenu de désigner la denrée, pour son accessibilité au commun des consommateurs, il y a encore peu de temps. «Le manioc est moins exigeant quant aux conditions agro-écologiques liées à sa croissance», a fait savoir Dr Allagbé, tandis que pour le Professeur Ahanhanzo «le contexte de crise alimentaire d’aujourd’hui révèle l’importance du manioc avec lequel, on peut faire beaucoup de choses ».Et la phytopathologiste moléculaire, Dr Martine Zandjanakou-Tachin, de renchérir pour faire constater que «le manioc est le meilleur produit, en considérant sa chaine de valeurs». Elle poursuit: «Je ne vois aucune famille aujourd’hui où, il n’y a pas un seul individu qui ne consomme pas le manioc. De plus, il n’est plus donné à tous de se procurer ce manioc. Ce produit qui, hier, était à 50f le kilogramme est passé à 100f le kg pour être à 500f le Kg, aujourd’hui». Le manioc tient désormais une place de choix parmi les spéculations les plus fortement demandées. Les trois invités, de la Web Tv Filaho, ont tous déploré le fait que ce produit soit victime du virus de la mosaïque, maladie virale qui attaque les plants de manioc et qui est présente dans plusieurs pays, y compris le Bénin. Cette maladie, à en croire, Dr Zandjanakou-Tachin, existait bien avant mais avec les changements climatiques, il y a eu une distribution dans le temps et dans l’espace. « Elle est devenue très préoccupante dans la mesure où c’est une maladie virale qui fait tant de dégâts dans le pays. L’effet sur le rendement est horrible. Cela va de la semence à la récolte. Dès que la plante est attaquée la maladie virale se manifeste de façon systémique en pénétrant tous les compartiments du système. Elle agit sur la plante qui présente des feuilles tachetées et colorées de jaune et de vert, ce qui montre que la plante est perturbée au niveau de la photosynthèse. Or, c’est grâce à la photosynthèse que la plante assure le métabolisme et sa nutrition et par conséquence, sa croissance. La phytopathologiste renseigne que «si la feuille n’est pas disponible, la photosynthèse n’est pas possible à réaliser et la croissance est perturbée avec un effet néfaste sur tout le système, y compris le système racinaire. Les tubercules d’une plante infectée pourrissent rapidement et cela fait qu’on ne peut plus amener ces cultures au marché, ni les consommer», clarifie Dr Zandjanakou-Tachin.
Appuis conseils et autres …
En dehors de la mosaïque du manioc, d’autres pathologies sont menaçantes pour la plante dont une à ne pas souhaiter en Afrique de l’Ouest mais qui sévit déjà en Afrique de l’Est et en Afrique Centrale, rapportent nos spécialistes. C’est la striure brune du manioc, plus sévère que la mosaïque du manioc. La striure brune du manioc attaque directement les racines et cause 100% de dégâts. Le Programme Wave a été ainsi initié pour éviter que cette pathologie migre vers l’Afrique de l’Ouest », a ajouté le Professeur Corneille Ahanhanzo. Financé par la Fondation Bill & Melinda Gates, «Wave, qui est à la deuxième phase de son exécution, fait son petit bonhomme de chemin depuis 2015». Ce programme se focalise beaucoup sur les pathologies des plantes et précisément sur les plantes à racines et tubercules, tels que le manioc qui est d’une grande utilité, de par ses dérivés, que ce soit sur le plan alimentaire que sur le plan industriel. La lutte que mène Wave, se focalise sur la surveillance, l’alerte et la riposte, indique le Directeur pays du programme au Bénin. Dans sa démarche, d’appuis conseils, le programme forme les producteurs à ne plus échanger les boutures comme ils en ont l’habitude. Les producteurs sont également informés et sensibilisés sur les vecteurs de transmission des maladies virales. «Notre slogan, c’est de sauver la vie du manioc au Bénin. Nos activités sont d’amener les producteurs à l’aide de certains outils à pouvoir détecter les symptômes au champ», a fait savoir le Professeur Corneille Ahanhanzo. «Avec les différentes formes de mosaïques qui se développent, au niveau de Wave, l’accent est plus mis sur la veille des producteurs», renchérit Dr Martine Zandjanakou-Tachin.
…La sécurité alimentaire menacée si …
«Les impacts économiques de ces maladies virales du manioc sont énormes», renseigne l’Agro-socio économiste, Dr Marcellin Allagbé. Pour lui, si le manioc se porte mal au Bénin, c’est la société entière qui sera malade. Le manioc est encore l’aliment de base, le plus populaire dans le pays. Si le manioc est malade, la société va en souffrir. Le manioc tient la société et nous devons tout faire pour vaincre tout ce qui peut l’empêcher de se développer,»a-t-il martelé. Au niveau du Programme, beaucoup de choses se font pour aller contre les maladies virales du manioc au Bénin. L’équipe du Professeur Ahanhanzo apporte régulièrement l’information aux acteurs de la filière et les populations à la base. Wave assiste les producteurs dans la diffusion des méthodes de la lutte contre cette maladie et travaille pour que le manioc puisse mieux se porter afin que la société puisse en bénéficier. «Si nous laissons la mosaïque du manioc se développer, nous allons laisser nos champs de manioc disparaitre…», prévient, Dr Marcellin Allagbé.
Une action d’impact dans 04 villes
Le chapitre Bénin du Programme Wave a pris sa part dans la grande campagne de sensibilisation par la Caravane régionale de lutte contre les maladies virales du manioc, sous le thème: « Sauvons notre manioc ». Dans ce cadre, elle organise des caravanes, étape par étape, dans quatre villes béninoises, idéalement réparties pour quadriller le territoire national. Partie de Kétou, dans l’Ouémé-plateau, le 11 mai 2022, elle a parcouru Bohicon (Zou-Collines), le 13 mai dernier avant, de poursuivre sa route à Parakou (Borgou-Alibori et Atacora-Donga), le 19 mai 2022, pour envisager de boucler la boucle à Abomey-Calavi (Atlantique-Littoral-Mono), le 27 mai 2022 prochain, dernière étape du circuit. Le Directeur pays, le Professeur Corneille Ahanhanzo précise que l’activité a pour objectif «d’amener les producteurs et tous les acteurs concernés de la chaine des valeurs, à savoir comment gérer les pathologies du manioc au champ dans un contexte de crise alimentaire, l’alternative pour les pays tropicaux, étant le manioc. Au cours des étapes de la caravane, les populations ont été invitées à sauver la spéculation afin que le Bénin, notre pays, ne connaisse pas la situation de rareté vécue en Afrique de l’Est, dans un passé mémorable. L’occasion a été offerte d’en appeler la population à préserver notre manioc et d’œuvrer pour sa bonne santé. D’après Dr Zandjanakou-Tachin, «l’idée de la caravane est un traitement de choc que Wave a imaginé pour sensibiliser assez de producteurs et espérer que l’information porte mieux en un temps record et plus efficacement ». C’est le tour du pays qui est visé et qu’il faut réveiller en un temps record autour des menaces sur le manioc et les défis de la filière. Selon, Dr Allagbé, l’opportunité s’est présentée de démontrer, chiffres à l’appui, ce pourquoi les efforts que mènent les producteurs ne sont pas couronnés de succès. Aussi, les populations seront-elles informées des petites pratiques qu’il faut éviter pour sauver le manioc et préserver les variétés à hauts potentiels dont elles ont besoin pour booster le secteur. Pour finir, le Professeur Ahanhanzo rassure au sujet de l’avenir du programme Wave qui, selon lui, est prometteur. «Un projet n’est pas une institution de l’Etat. Il faut que les gouvernants consentent de nous accompagner. Je m’adresse ainsi à tous les pays qui abritent le programme. Je tiens à remercier l’Etat béninois pour ses différents appuis».
Victorin Fassinou
