L’initiative «Reversed Exploration»  ou  « Exploration inversée »,  une résidence d’artiste thématique de l’Association Kulturforum Süd-Nord à Hambourg poursuit son petit bonhomme de chemin. Après la jeune artiste plasticienne béninoise Eliane Aïsso, c’était  le tour de l’artiste  plasticienne et vidéaste  Amina Zoubir d’exposer du 28 avril au 28 juillet 2021, dans le cadre de ce projet,  les fruits de sa résidence basée sur des recherches en photographies ethnologiques sur la représentation de la femme durant la période coloniale. Ceci à travers le thème «Archéologie du corps colonisé» au musée Markk de  Hambourg.

Victorin Fassinou

L’expo « Archéologie du corps colonisé », de l’artiste  plasticienne et vidéaste  Amina Zoubir est  basée sur des collages réalisés, au musée Markk, lors de sa résidence  de l’artiste. En effet, pour l’artiste,  la période coloniale se caractérisait par la domination et l’humiliation envers l’autre, tout comme la dépossession et le corps en faisaient partie. D’origine Algeriènne, Amina Zoubir,   a  axé son travail  sur la représentation et l’appropriation du corps féminin dans des photographies d’Afrique du Nord d’influence coloniale et ethnographique. Il s’agit pour elle  de questionner ces images d’archives pour les confronter avec le présent comme un miroir et ainsi déconstruire ce miroir en fragments pour mieux le comprendre. Le déconstruire aussi de façon contemporaine et établir un dialogue avec ces images. « Déconstruire ce miroir n’est pas négatif. Il s’agit pour moi en tant qu’artiste de créer une autre esthétique dans la représentation. Pour y arriver, j’aurai accès, à de nombreuses photographies et pas seulement en provenance d’Algérie, mais aussi du Maroc, d’Egypte, la Lybie, Soudan, mais aussi de la Namibie, le Kenya, le Congo, l’Afrique du Sud etc…», laisse comprendre Amina Zoubir pour qui son  rôle en tant qu’artiste ne consiste pas à raconter des histoires, mais de créer de nouvelle images en proposant de nouvelles esthétiques. Grace à la complicité de  Kulturforum Süd-Nord, Amina Zoubir a pu accéder  aux archives des photos du musée. Elle a eu à faire des copies de sa sélection parmi ces milliers des photos prises par des explorateurs à l’époque coloniale. Dans les espaces ateliers M. Bassy, partenaire de Kulturforum Süd-Nord, l’artiste les a eu à  transformer  dans une série  d’environs de  50 collages sur canevas. Les commissaires étaient Jana Reimer et Skadi Sarnoch .Ce travail  d’Amina Zoubir s’inscrit dans la continuité de sa démarche artistique qui interroge le plus souvent la place de la femme dans la région du Maghreb notamment, et l’Afrique du Nord.

Les visiteurs du  musée Markk épatés

Le travail d’Amina Zoubir, aux dires du commissaire Jana Reimer, se concentre sur la représentation et l’appropriation du corps féminin dans des photographies d’Afrique du Nord d’influence coloniale et ethnographique. La collection de photos du Markk contient bon nombre de ces photographies, qui constituent également une collection stimulante pour le musée. Objets et témoignages historiques, le musée les conserve. Cependant, leur origine coïncide avec une époque de structures de pouvoir et de déséquilibres coloniaux et scientifiquement dominés par l’Europe, qui sont directement visibles dans les représentations photographiques des personnes et les images qu’elles créent. La force du travail d’Amina Zoubir, d’après Jana Reimer,   réside précisément dans le fait que, par une déconstruction et un recentrage délibérés de ces portraits difficiles et des images qu’ils véhiculent, les personnages représentés sont placés à hauteur des yeux en tant que sujets, en rupture avec leur contexte historique d’origine, ainsi rendus et rendus visibles d’une nouvelle manière. La reproduction en série, sous forme de collage, met en évidence le nombre extrêmement élevé de femmes touchées par cette appropriation coloniale de leur corps. L’exposition d’Amina Zoubir qui s’est déroulée du 28 avril au 28 juillet 2021 a fait réfléchir et a épaté tous les visiteurs du musée Markk.  Pour ces amoureux de l’art, l’œuvre présentée par Amina Zoubir est d’une meilleure facture qui pousse à réfléchir. Pour les visiteurs, l’artiste plasticienne et vidéaste et qui compte à son actif de nombreuses expositions,  plusieurs  participations à des biennales d’art plastiques de par le monde, est une artiste pétrie de talents.

… d’autres artistes annoncés

Le projet de résidence « Exploration inversée de la ville et les citoyens d’Hambourg »,  dans le cadre s’inscrit  l’expo d’Amina Zoubir, est une initiative de l’Association Kulturforum Süd-Nord. Le titre Exploration Inversée pour la résidence d’artiste, aux dires, du Président fondateur de Kulturforum  Süd-Nord   Stephan Köhler, indique que le moment est venu, pour que les explorés deviennent les explorateurs. Le titre « Exploration Inversée » sonne d’abord comme un acte de vengeance polémique de la part de ceux qui ont été découverts, classés, collectionnés et exposés par les Européens. La devise quelque peu provocante, cependant, vise avant tout à indiquer que les flux mondiaux d’échange, d’économie, de voyageurs ne doivent pas toujours aller dans le même sens. Afin de stabiliser ce processus d’ouverture et de regard des uns sur les autres, et de maintenir la pluralité des interprétations du monde, l’association Kulturforum Süd-Nord prévoit une série d’au moins 3-5 visites d’artistes (écrivains) du Sud par an à Hambourg. Les observations des artistes visent à déclencher à chaque fois des dialogues avec le public sur le passé colonial de la ville. Le commerce de café, sucre, kautschuk, phosphate. Cette initiative est annoncée pour faire  connaître la participation de plusieurs artistes de diverses nationalités. Le musée Markk, était appelé Völkerkunde Museum, (musée d’ethnologie) est un des principaux  acteurs du processus de décolonisation en Allemagne et vient de restituer des dizaines de bronze au Bénin City Nigeria.  Précisons que cette résidence a été réalisée dans  le cadre de l’initiative «Reversed Exploration» de Kulturforum Süd-Nord. Un projet  financé par le  ministère de Culture de Hamburg (BehördefürKulturundMedien) et la Fondation Liebelt.  L’autre partenaire du projet, c’est l’association M. Bassy qui a soutenu le séjour de l’artiste, l’invitée Kulturforum qui a réalisé  25.000 affiches avec une photo des  œuvres d’Amina, accompagnée  du texte rédigé par  Jana Reimer et stephan Köhler. Ces affiches ont été mises dans les journaux à  Hambourg.